TRIBUNE OUVRIERE
13-12-56
LETTRE OUVERTE AUX MILITANTS DE LA CGT
ET DU PCF
Les attaques dont les locaux de du PCF ont fait l'objet ces jours
derniers n'ont pas manqué d'émouvoir tous les travailleurs, qu'ils approuvent
ou non la politique du PCF. En effet, les éléments qui se sont livrés à ces
assauts sont étrangers à la classe ouvrière et visent, au-delà du PCF, toutes
les formes indépendantes des travailleurs. Les attaques contre le PCF préparent
une offensive contre tous les moyens d'expression de la classe ouvrière. Quoi
qu'on puisse penser de l'attitude du PCF, il s'agit d'une organisation qui se
réclame de la classe ouvrière, et c'est aux travailleurs eux-mêmes de choisir
librement et démocratiquement entre les différentes organisations du
prolétariat. Les factieux qui réclament l'interdiction du PCF demanderont
ensuite celte des syndicats, communistes ou non, puis de toutes les
organisations se réclamant de la classe ouvrière.
Les travailleurs
sont assez grands pour faire eux-mêmes un choix entre les organisations qui se
réclament d'eux et n'ont pas besoin des hommes de main de la bourgeoisie pour
le faire à leur place. C'est pourquoi il nous paraît indispensable de réagir
fermement pour le faire entendre à tous les candidats dictateurs et à leurs
nervis.
Mais les nécessités de cette lutte impose des positions claires. Si les
fascistes ont pu lever des troupes pour s'attaquer aux locaux du PCF, C'est
parce que celui-ci s'était déconsidéré complètement aux yeux de la classe
ouvrière, et cela pas d'hier. Le soutien par le PCF de la répression sanglante
de l'insurrection hongroise n'a fait que couronner le malaise qui durait depuis
des années, dont le vote des pouvoirs spéciaux n'a été qu'un épisode parmi
d'autres. Les dirigeants russes en massacrant les prolétaires hongrois se
sont déconsidérés complètement dans la mesure où ils jouissaient encore d'une
considération quelconque après les révélations de Kroutchev sur la dictature et
les crimes de Staline, devant l'opinion ouvrière du monde entier. Et les
dirigeants du PCF se sont déconsidérés eux, devant l'opinion ouvrière française
en soutenant sans réserve la politique sanglante du Kremlin. Sans cette
attitude du PCF, les fascistes n'auraient jamais osé en craignant une réaction
du prolétariat.
C'est pourquoi, il a été impossible aux travailleurs de s'associer à un
mouvement qui sous prétexte de « barrer la route au fascisme » vise à faire
approuver par les travailleurs français le massacre des ouvriers hongrois. Le
meilleur moyen pour les militants honnêtes du PCF de lutter effectivement
contre le fascisme serait de se désolidariser de la presse en Hongrie. II est
bien certain que les travailleurs de France quasi-unanimes participeront à
ces manifestations. La réaction des typographes de la presse qui ont débrayer
unanimement pour protester contre les violences qu'avaient subis certains
d'entre eux dans les locaux de l'Huma tout en dénonçant l'intervention russe en
Hongrie en est la preuve. Le trouble qui s'est manifesté dans les rangs des
travailleurs lors du mouvement déclenché par FO montre bien qu'on ne fera pas
croire aux travailleurs français, que des milliers de blindés et des centaines
de milliers de soldats n'ont à faire qu'à une minorité de fascistes et pas à
toute une population dressée contre la dictature.
Ce n'est pas en tournant le dos à ces faits que nous pourrons empêcher
efficacement les fascistes de relever la tête. C'est au contraire en y faisant
face que les militants du PCF et de la CGT pourront renouer avec l'ensemble des
travailleurs. Une manifestation qui ne ferait que plébisciter 1'attitude de
l'armée rouge en Hongrie, est vouée à l'échec. Et cette attitude permet
justement aux fascistes de reprendre courage en France. La seule voie est dans
reconnaissance du crime contre la classe ouvrière de France et de Hongrie
qu'est le soutien inconditionnel des crimes du Kremlin. Cette reconnaissance
permettrait et de se regrouper et là seulement le fascisme ne passerait pas.
Un groupe de travailleurs de la régie Renault